Karak Draka royaume des Nathrong
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 La geste de Thorund

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Thorund le soiffard
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Thorund le soiffard


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MessageSujet: La geste de Thorund   La geste de Thorund EmptyMar 2 Sep 2008 - 12:29

Et ben voilà, j'avais commencé un récit sur mon perso, et je me suis dit : pourquoi ne pas le poster ici ? Et donc, voilà le premier chapitre ( le premier est peut-être un peu ennuyeux, mais ça s'améliore (enfin j'espère) par la suite).

Erdrik


Comme à son habitude, l’ambiance de la taverne du troll farci était surchauffée. La large salle commune qui formait le cœur de l’auberge était éclairé par une multitude de bougie posées à même les tables ou accrochées au mur par des appliques, et la pièce baignait dans une ambiance orangée et conviviale. Autour des tables de bois, assis sur une chaise ou un fauteuil, les nains de Karak Draka buvaient une chope d’hydromel, discutaient, bavardaient, plaisantaient, racontaient des sagas du passé, pariaient, jouaient, se chamaillaient, criaient, poussaient des jurons, en un mot, affirmaient leur nature de nain. Dans un coin reculé, deux vétérans couturés de cicatrice, au regard dur et à la barbe longue, se battaient, échangeant stoïquement des coups de poings sans qu’aucun ne recule. Derrière son comptoir couvert de boisson diverses et de produits alcoolisés, le tenancier du troll farci essuyait quelques verres sales, portant ses yeux scrutateurs sur l’assemblée et marmonnant quelques injures dans sa barbe à la vue des deux combattants qui mettaient en péril son mobilier.
Pour ma part, j’étais assis le plus loin possible de la porte de l’auberge, confortablement installé dans un fauteuil devant une petite table ronde. J’avais un tonnelet de Bugman XXXXXX en main, et je portais sur la taverne un regard de plus en plus nonchalant au fur et à mesure que l’alcool troublait ma vision et engourdissait mon cerveau. C’est que le chemin avait été long, de Barak Varr jusqu’ici, les longs jours de marches dans la neige plus froids les uns que les autres, avec pour seuls compagnons mon vieux poney porte-charge et le vent glacial qui parcourait les montagnes en mugissant. J’avais bien besoin de me réchauffer.
Je pris avec délectation une nouvelle gorgée de bière, puis, essuyant ma bouche d’un revers de ma main, je me repris à scruter mes compagnons, assis tout autour de moi. La plupart étaient très absorbés dans une conversation, mais quelques uns, seuls pour la plupart, jetaient de temps à autre un regard inquisiteur vers moi. Bien sûr. Un étranger étonnait toujours. Que venais-je faire là ? Quel était mon caractère ? Autant de question qu’il devait se poser à l’instant même. J’étais certain qu’un ou plusieurs d’entre eux, les plus curieux sans doute, viendrait sans tarder s’asseoir près de moi pour avoir leur réponse. Peut-être même qu’il m’offrirait une chopine … On m’avait dit que les habitants de Karak Draka étaient d’une cordialité légendaire. Il était temps de le vérifier.
M’apercevant que mon tonnelet était vide, je tirais des replis de ma cape de voyage, vieille, sale et usée, une longue pipe de bois, sculptée d’un motif en spirale qui ondoyait le long de son tuyau. Après l’avoir bourrée, je me rejetais en arrière et me mis à tirer dessus, doucement, aspirant la fumée quelques secondes, puis la relachant pour former des petits ronds qui s’évanouissaient vite, disparaissant dans leur course vers le toit du bâtiment.
Je n’eus pas à attendre longtemps. Une dizaine de minutes plus tard, trois des occupants de la tavernes se dirigeaient vers moi. A leur barbe rase, je devinai leur jeunesse. Deux d’entre se ressemblaient tellement, la tignasse d’un roux sale et le visage cramoisi, qu’ils devaient être jumeaux. Le troisième, les traits plus fins et les cheveux de couleur noirs, marchait avec une assurance certaine et peut-être même une pointe de mépris. Encadré par ses deux compagnons, on aurait dit qu’il s’agissait d’un important personnage escorté par ses gardes du corps. Je détournait mon regard du petit groupe qui s’avançait et, l’air de rien, me remis à tirer sur ma pipe en fixant le plafond.
« - Nous pouvons ? » questionna Barbe Noire en tirant une chaise à lui. D’un geste large du bras, je l’invitai à prendre place. Les trois compagnons s’installèrent sur des tabourets et me fixèrent de leurs yeux où luisaient la curiosité et l’intérêt. Nous nous fixâmes ainsi pendant quelques secondes, puis Barbe Noire pris la parole :
« -Laissez-moi nous présenter », dit-il. Sa voix grave et rauque évoquait le frottement de la pierre sur la pierre et semblait naturellement empreinte d’autorité. « Je suis Haldvek Hondrungson, et voici Ragnar et Daln Bjornson. ». Alors, ils étaient bien frères … Voyant qu’ils se taisaient, je pris la parole : « Je suis Erdrik Gromean. Je viens d’arriver à Karak Draka, après des semaines de voyage depuis Barak Varr. Je dois avouer que je suis fourbu et desséché.
- Un premier jour à Karak Draka, il faut fêter ça! » cria Ragnar d’une voix forte. « Tavernier, une pinte de bière pour toute la tablée, et deux pour l’étranger ! » Je me réjouis intérieurement. L’hospitalité légendaire des habitants de cette ville n’était pas un mythe …


Quelques minutes plus tard, la conversation s’engagea, nos paroles gagnant en audace et en intensité au fur et à mesure que la bière dans nos pintes disparaissait. Le niveau sonore, déjà élevé en début de soirée, était devenu une véritable cacophonie dans laquelle on ne s’entendait que difficilement, la discussion en partie couverte par les chants et hymnes criés à plein poumons par les occupants de l’auberge. Il fallut qu’Haldvek me tapa sur l’épaule pour que je comprenne qu’il avait quelque chose à me dire. En le regardant, je ressassai tout ce que j’avais appris sur lui. Il était en réalité le fils d’un riche noble de la cité. Ses compagnons n’étaient que des fils de mineurs qui commençaient eux aussi à prospecter dans les carrières à l’est de la citadelle, mais le jeune noble, désireux de connaître les conditions de vie du petit peuple, était allé travailler avec eux pendant quelques semaines. Il rêvait de devenir un guerrier. J’étais certain qu’il ferait un bon chef, proche et aimé de ses troupes.
« - Qu’est-ce qui vous attire à Karak Draka ? », me demanda-t-il. Je souris. Nous y étions donc … Ils étaient venus me voir, intrigués, m’avait offert à boire, maintenant ils voulait des réponses.
« - Oh … rien de vraiment précis … on m’a dit que c’était un très bel endroit, je m’étais donc mis en tête d’aller le visiter. Et puis, un métier comme le mien, on peut l’exercer de partout … ». Coupant ma phrase ici pour ménager mon effet, je rejetai ma tête en arrière et me mis à boire à ma choppe. Avec amusement, j’imaginai quel duel pouvait se dérouler dans leur tête entre leur curiosité et leur politesse. Je fis durer l’attente pendant quelques secondes encore, puis, reposant ma pinte brusquement, je déclarai : « Je suis un maître des sagas. Un conteur. Ce n’est pas un trop mauvais métier, pas vrai ? »
Une flamme s’alluma au fond de leurs yeux, une lueur que je connaissait bien. Dans chaque nain résidait un feu dormant, une puissance brute, celle qui créait les héros, celle qui permettait de toujours se relever, de ne jamais abandonner, de se battre jusqu’au bout. L’art des maîtres des sagas résidait dans le pouvoir de réveiller, d’attiser et d’exalter cette flamme chez ses auditeurs en contant les exploits d’ancêtres héroïques. Depuis le temps que j’exerçais cette profession, j’étais passé maître dans cet art. Et je le mettais en œuvre une fois de plus.
Mes auditeurs me scrutaient avec une lueur avide dans les yeux. Sans aucun doute, ils attendaient une histoire, un conte, une saga. Je pris une grande inspiration et commençai alors une tirade que j’avais longuement répétée.
« - Je suis un maître des sagas. Dvarlek fils de Holmir m’enfanta il y a plus de deux cent cinquante ans, et depuis cette période, je parcours le monde. J’ai arpenté les montagnes du bord du monde du nord au sud, je me suis rendu sur les terres des humains, de notre voisin l’Empire jusqu’à la lointaine Cathay. J’ai vu les terribles déserts des Terres du Sud et les landes glacées du pays des trolls. Je suis allé sur l’île mystique d’Ulthuan et dans les contrées vertes du royaumes de Bretonnie. J’ai rencontré et affronté des dizaines de races différentes, des orques, des gobelins, des humains, des elfes, et des créatures innommables produites par le chaos. J’ai appris les anciennes sagas, et j’en ai écris quelques unes. Je connais tous les grands héros du peuple nain qui combattirent vaillamment les hordes qui nous assiègent. J’ai voyagé en compagnie de certains d’entre eux. Et, jusqu’à ma mort, je continuerai à voyager à la recherche de héros dont je pourrais ensuite conter les exploits.
Je pourrai vous conter l’histoire de Kurgan Barbe-de-fer, qui combattit les orques au col du feu noir aux côtés de Sigmar ami des nains. Je pourrai vous conter la légende de Grombrindal le nain blanc, qui apparaît dans les situation les plus désespérées pour sauver notre peuple. Je pourrai vous conter les exploits de Gotrek Gurnisson le tueur, qui parcourt inlassablement le vieux monde à la recherche d’ennemis dignes de lui. Je pourrai vous conter la geste d’Arak Tête- dure, qui combattit et repoussa une immense armée chaotique devant les portes de Karak Dran.
Je ne vais pas le faire. Je vais vous conter l’histoire d’un héros méconnu, avec qui j’ai voyagé pendant des années. Pas vraiment un héros, mais un nain, un simple nain, ni de grande famille, ni de sang royal, un nain issu du peuple, fils d’un forgeron. Un individu qui représente le meilleur comme le pire de notre race. Un nain capable du geste le plus héroïque comme du geste le plus lâche. Ecoutez-moi bien, habitants de Karak Draka : je vais vous conter l’histoire de celui que l’on nomme Thorund le Soiffard. »
Laissant planer ce nom, je scrutait mes auditeurs. En entendant le ton emphatique et grandiose qui caractérisait un conteur, les nains les plus proches s’étaient rapprochés pour entendre eux aussi l’histoire, si bien que c’étaient maintenant onze spectateurs que j’avais devant moi. Pour les tenir en haleine, je tirai une longue bouffée sur ma pipe, puis, la reposant, je continuai mon histoire, qui risquait de durer une bonne partie de la nuit.
« - Et bien voilà. La légende de Thorund a commencée par un matin d’automne, froid, gris et pluvieux …
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Grumdor Le Gris
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MessageSujet: Re: La geste de Thorund   La geste de Thorund EmptyMar 2 Sep 2008 - 17:16

Tu écris incroyablement bien Exclamation
Je suis trés impressionné, tellement d'ailleurs que je doute de ton age...

Ne serais-tu pas un réèl maître des sagas ???
En tout cas, je trouve ton style trés agréable et tes descriptions particulièrement réussies.

J'aimerais beaucoup connaître l'histoire de ce fameux Thorund Le Soiffard.
Ecris nous la suite stp.
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Traguente Xtravène
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MessageSujet: Re: La geste de Thorund   La geste de Thorund EmptyMar 2 Sep 2008 - 17:31

Alors...

Récit bien écrit, structuré...
Je m'attendais juste à entendre parler de nous, comme tu parles de Karak Draka. Peut être pour la suite ? Enfin bon, c'est vrai que l'on est pas sensé tous y habiter...

J'attends la suite avec impatience !
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Thorund le soiffard
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MessageSujet: Re: La geste de Thorund   La geste de Thorund EmptyMar 2 Sep 2008 - 18:02

Merci de vos commentaires Rire

Citation :
Je m'attendais juste à entendre parler de nous, comme tu parles de Karak Draka.

Ah bah non, c'est une idée, mais j'avais mis Karak Draka juste pour planter l'ambiance. Les membres du forum ne devrait à priori pas apparaître.

Citation :
tellement d'ailleurs que je doute de ton age...

J'ai 13 ans, promis !

La suite .... ne devrait pas arriver avant quelque temps, et oui, je reprends les cours demain pale
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Thorund le soiffard
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MessageSujet: Re: La geste de Thorund   La geste de Thorund EmptyVen 5 Sep 2008 - 19:42

Désolé pour le double post mais le message dépassait la longueur autorisée... voilà la suite :

Thorund


Avançant d’une démarche titubante le long du sentier pavé, je jetais un regard haineux au ciel. Il était uniformément gris, comme si on avait tendu un voile sur la voûte céleste. L’air était froid et sec, et une petite pluie fine mais insidieuse s’était mise à tomber. Je ne tardai pas à être trempé par ce maudit crachin qui dégoulinait le long de ma tunique rouge aux manches amples et s’infiltrait en dessous, trempant ma peau et glaçant mes os. C’était un matin d’automne comme tant d’autres … et je ne supportai pas ce temps. Je fis passer ma frustration en montrant les nuages de mon poing serré et en poussant des jurons, puis je repris mon chemin.
En route, j’essayai de faire un effort pour me rappeler ma soirée d’hier. Mon père, un forgeron, venait de finir la commande d’une hache pour un noble de la ville, et il m’avait donné quelques pièces que je m’étais empressé d’aller dépenser dans la taverne du Loup Rouge. Dans mon dernier souvenir, je me voyais assis devant une table recouverte de chopines débordantes de bière, les sens obscurcis par la musique, la fumée et la boisson. Tout ce dont je me rappelai ensuite, c’était de m’être réveillé dans un fossé non loin de la taverne, couvert de boue et avec un épouvantable mal de crâne. Mon père m’attendait ce matin pour l’aider à finir une armure commandée par un ami à lui. Il allait être furieux.
Notre demeure était légèrement à l’écart du village, sur un pic rocheux en haut duquel on dominait toute la vallée. La route n’était pas bien longue, à peine une vingtaine de minutes de marche, et je ne tarderai pas à arriver. Je scrutai les environs. Je me tenais sur un petit sentier au bord d’une grande falaise. La cité naine de Karak Arzul était installée sur les contreforts des montagnes du bord du monde, juste à l’endroit où le paysage vallonné et parsemé de hautes collines cédait la place aux pics des montagnes, ce qui rendait le panorama des plus singuliers. D’un côté, on distinguait, au milieu de la brume et les nuages, les hautes cimes des monts qui se découpaient sur le ciel triste, formant une ligne de crête au relief impressionnant. De l’autre, un paysage vert et vallonné, parsemé de forêts, s’étendait à perte de vue. Droit devant, la vue était bouchée par l’éperon de pierre au sommet duquel j’habitai, rendant le contraste entre le gris à gauche et le vert à droite encore plus saisissant.
Au fur et à mesure que mon mal de crâne diminuait, je pus me rappeler des bribes de ma soirée. Je me souvins de m’être battu avec un des occupants de la taverne, un nain dont le nez emplissait le milieu de la figure, cachant sa bouche et le début de sa barbe, et à l’haleine empestant l’alcool. Impossible de me rappeler qui avait eu le dessus. Je me souvins aussi d’un marchand humain de passage, qui désirait se rendre en Cathay. Une seule choppe de Bugman avait suffi à le rendre ivre mort, et il s’était mis à danser sur une table, devenant la grande attraction de la soirée. Quelques minutes plus tard, je pus aussi me rappeler d’un conteur du nom d’Erdrik que j’avais écouté pendant une bonne partie de la soirée. Il avait un ton qui inspirait naturellement l’attention, et rendait passionnant le moindre détail. Il avait conté la légende d’Anarbarziz, un noble nain qui avait défendu sa forteresse pendant des années face à de terribles démons. Une histoire dont je me souviendrai longtemps, non pas pour son contenu, assez quelconque en somme, mais pour le conteur lui-même, avec son ton de voix, ses expressions, son charisme et sa capacité à faire vivre les personnages qu’il contait, comme si l’action se déroulait sous nos yeux. Au terme de son histoire, j’avais un peu conversé avec lui. J’avais appris qu’il avait écris lui-même la saga d’Anarbarziz.


Je parvins enfin au pied de la crête de pierre, et m’apprêtai à faire l’ascension de l’escalier taillé dans la roche et bordée de bornes runiques, quand j’entendis des rires provenant de l’autre côté du rocher. Quelques secondes plus tard, je voyais apparaître de derrière la paroi de roche un groupe de jeunes nains qui devaient avoir mon âge. Je ne connaissait aucun d’entre eux, et leurs vêtements n’étaient ceux d’aucun clans de Karak Arzul. Des étrangers, des nobles mêmes, à voir la qualité de leurs tuniques, de passage dans la ville. Mais il était faux de dire que je n’en connaissait aucun. J’en connaissait un : Tagak Durginson.
Tagak, avec ses traits fins, sa haute naissance et son expression perpétuellement arrogante, était mon pire cauchemar depuis mon plus jeune âge. Pas que j’ai peur de lui, loin de là. Je donnerai cher pour pouvoir me battre avec lui, régler cette affaire au poing. Mais, étant le fils d’un des nobles les plus influents de la ville, je m’attirerai de gros ennuis en le frappant. J’avais toujours gardé cela en tête au cours de mon enfance, alors qu’il se moquait de moi et même m’insultait. Je l’avais toujours gardé en tête, et alors que je rêvai de le combattre et de l’humilier, j’étais toujours resté plus ou moins impassible sous ses injures. Mais cette fois-ci, tout ça me sortit de la tête. J’ignore si c’est à cause des résidus de l’alcool qui m’embrumaient l’esprit depuis la veille, ou bien parce que j’avais besoin de passer ma frustration qui durait depuis ce matin sur quelque chose, ou tout simplement parce qu’il était allé trop loin. En tout cas, ce matin allait ce jouer un des évènements les plus importants de ma vie.
Il portait une tunique violette rehaussée d’or qui scintillait dans la lumière du matin. Son jeune visage pâle, et beau selon les critères nains, gardait, comme à son habitude, son sourire odieux et arrogant. Quand il me vit, son sourire s’élargit jusqu’à ses oreilles, et il dit à ses compagnons : « - Eh bien, mes amis, il eu été inconvenant de passer par Karak Arzul sans même voir Thorund Jaegorson : le pire crétin à cent lieues à la ronde ! » Ses compagnons s’esclaffèrent, d’un rire trop bruyant pour être réel. La colère s’empara de moi, et, je ne sais pourquoi, je ne fis rien pour la repousser. Je vins me planter devant lui, les poings sur les hanches, et lui déclarais en le fixant d’un regard haineux : « - Insulte-moi encore une fois –une seule fois, saloperie de nobliau !- et je te jure que mon poing finira dans ta sale face. » Je vis les étrangers se raidir, conscients de ma détermination et sans doute du probable combat, mais le sourire de Tagak s’épanouit encore. « - Quoi que je te dise, tu n’oserai jamais faire ça. Pas vrai, Umbaraki ? »
A ces mots, le sang ne fit qu’un tour dans mes veines. Umbaraki –briseur de serments- était la pire insulte du langage nain. Là, il était vraiment allé au-delà de mes limites. Avant qu’il ne puisse faire un geste, je me jetai sur lui.
Mon élan le renversa, et il s’effondra au sol, moi par-dessus. Je me mis à le cribler de coup de poings, sans la moindre retenue, laissant libre cours à ma furie. A mon premier coup, je sentis une de ses côtes craquer. Les suivants lui labourèrent le visage. Quelques-unes de ses dents volèrent, et je sentis son nez se briser. Je lui avait aussi fait éclater la peau au dessous de l’œil, et il saignait abondamment. Son regard exprimait la douleur et l’incompréhension, mais il était avant tout un nain, et il se reprit vite. Son genou me frappa l’entrejambe, me pliant en deux de douleur, et il profita de ce moment pour me porter un atémis à l’estomac qui me fit me renverser en arrière. Il se releva en même temps que moi, et nous nous mîmes à nous tourner autour, sous les yeux des étrangers qui restaient indécis sur la conduite à tenir. Après quelques secondes d’inaction, je me propulsai en avant, passant sans difficulté le barrage de ses bras peu préparés à cet assaut furieux. Le sommet de mon crâne heurta sa poitrine, lui coupant la respiration. Alors qu’il suffoquait, vacillant, rougissant de panique et de manque d’oxygène au fil des secondes, je recommençai à lui marteler tout le corps, centimètre par centimètre, lui faisant payer par mes poings tout ce que sa bouche pleine de venin avait pu cracher sur moi tout au long de mon enfance. Lorsque je sorti de ma torpeur sanguinaire, ce fut un Tagak à demi mort, saignant de multiples blessures et toujours incapable de respirer, que je laissai retomber sur le sol de granit dur.
Au fur et à mesure que je prenais conscience de ce que j’avais fait, l’horreur s’empara de moi. J’étais perdu ! Tagak finit par retrouver sa respiration, puis, réussissant à s’asseoir, il me fixa d’un regard mi-craintif , mi-haineux, puis, me pointant du doigt :
« - Tu mourras, ordure ! J’en fais le serment ! Je te déshonorerai, je t’humilierai devant tout Karak Arzul, et tu mourras ! Umbaraki ! » cracha-t-il. Il pivota avec douleur vers ses invités. « -Rossez-le ! ».
J’ignore toujours pourquoi ils lui obéirent. J’en déduis que Tagak était d’une lignée supérieure, et que les nobles étrangers venait pour devenir des vassaux de son père. En tout cas, à son ordre, ils s’approchèrent de moi, les manches retroussées. Je me mis en position de combat, poings levés devant mon visage, un pied en avant, et évaluait leur nombre d’un rapide coup d’œil. Une dizaine … J’étais un bon combattant, ayant déjà une longue expérience du combat de taverne, mais je ne connais pas un seul guerrier capable de tenir tête à un ennemi dix fois supérieur en nombre. La partie était perdue d’avance, mais mon honneur m’interdisait de m’enfuir. Espérant les prendre au dépourvu, je courus vers l’avant et, parvenu en face de mon premier adversaire, un grand gaillard à la barbe rousse et à la tunique verte, je bondis, espérant profiter de ma force pour lui retomber lourdement dessus et le paralyser. Ma tactique réussit partiellement. Il s’écroula sur le sol sous mon poids, mais alors que j’allais reprendre mon équilibre sur le sol, un vicieux coup de pied venu de derrière moi me fit tituber. Un croche-patte décoché par un ennemi invisible suffi à me mettre au sol. Mon visage s’écrasa contre le granit, et je sentis mon nez craquer. Je me retournait pour me mettre face au ciel, juste à temps pour voir les étrangers se jeter sur moi, poings en avant, comme autant de vautours se précipitant sur une charogne. Une vague de douleur m’envahit lorsque les premiers coups m’atteignirent.


Dernière édition par Thorund le soiffard le Ven 5 Sep 2008 - 19:43, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: La geste de Thorund   La geste de Thorund EmptyVen 5 Sep 2008 - 19:42

Quelques minutes plus tard, je me réveillai d’un évanouissement du à la souffrance. Tagak, porté par un de ses compagnons, me regardait avec une expression partagée entre la douleur que je lui avait infligée et le contentement de me voir ainsi détruit. « - Ce n’était qu’un début », me fit-il d’un ton moqueur. Puis lui et les étrangers s’en allèrent.
Je ne sais pas combien de temps je suis resté là, gémissant et serrant les dents pour ne pas pleurer. J’ai sans doute dû m’évanouir encore une ou deux fois. En tout cas, vint un moment ou la douleur s’atténua. Le soleil avait depuis longtemps dépassé la moitié de sa course dans les cieux, et je pus me lever, quoique difficilement. Alors que je clopinai jusqu’aux premières marches de l’escaliers, je me demandai ce que j’allais faire. Rester ne me semblait plus une option. Tagak m’avait juré que je serai humilié puis tué, et je savais qu’il était en pouvoir d’exaucer ses désirs, influent comme l’était son père. Que faire, alors ? Pour commencer, m’éloigner de la ville. J’irais me cacher dans le nid du griffon, une cavité rocheuse quasiment inaccessible, cachée dans la montagne. De là, je pourrai aviser. Je jetais un regard vers le haut du piton rocheux. J’allais devoir aller chercher un équipement pour cette expédition, peut-être même pour plus longtemps, ainsi que des provisions. A cette heure-ci, mon père devait travailler à la forge, aidé par ma mère, et je ne pouvais pas monter dans cet état là. Je décidai d’attendre la nuit.
Les heures passèrent, froides et pluvieuses, parfois éclairées par un soleil pâle qui perçait les nuages. Je m’étais pelotonné dans une cavité de la roche, les genoux repliés contre moi-même, avec la douleur comme compagnon inséparable. Puis vint le temps ou les étoiles apparurent dans le ciel qui s’assombrissait au fil des minutes, et je décidai que je pouvais y aller. La souffrance s’était maintenant largement atténuée, mais restait encore présente, perçant ma poitrine au moindre mouvement brusque. Lorsque je repensai aux évènements de ce matin, j’éprouvai une terrible colère, mais pas envers ces étrangers qui m’avaient sauvagement écharpés. Pour eux, j’éprouvai même une forme de pitié, d’avoir un compagnon comme Tagak. Non, c’était vers lui que mon ressentiment était projeté. Alors que je gravissais à pas calmes et prudents l’escalier de roche, je me fis le serment solennel qu’un jour je le tuerai.
Parvenu au sommet du pic, je me retrouvait en face de ma maison. Un petit bâtiment en bois et en roche, doté d’un petit étage, aux côtés d’une grande forge dont la cheminée fumait encore malgré l’heure tardive. Mon père n’éteignait jamais son feu. D’ailleurs, ce feu n’avait jamais été éteint depuis que le grand-père de mon grand-père, Jaegor, avait bâti ces bâtiments de ses mains et commencé à forger. Ce feu contenait une part de nos ancêtres, et le conserver était une forme de vénération.
Du sommet du piton, la vue était magnifique, encore plus belle que celle que l’on avait en contrebas. Les nuages semblaient tout près, formant au dessus de moi une mer cotonneuse. Les montagnes, solennelles masses grises, étaient parcourues par une multitude de cascade qui bondissaient sur leurs flancs et s’écrasaient à leurs en des myriades de gerbes d’écumes qui réfléchissaient la lumière de la lune. J’étais toujours captivé par ce paysage, mais cette fois-ci, j’y prêtai à peine attention. Traversant le plateau, j’entrai dans la maison par la petite porte ronde de derrière, qui elle s’ouvrait sans grincer. A l’intérieur résonnaient les ronflements de mon père. Je m’emparai dans la salle à manger d’un grand sac à bandoulière de toile grise dans lequel je mis, pelle-mêle, de la viande, du pain de pierre et des tonnelets de bière. Puis je montais discrètement jusqu’à ma chambre, située à l’étage. Le sol, en bas, était fait de pierre, mais l’étage avait été construit en bois, et celui-ci était vieux et ne manquait pas de craquer à chaque pas. Il me fallu toute ma concentration et ma dextérité pour parvenir à ma chambre sans faire trop de bruit. Une fois à l’intérieur, je choisis mes habits. Après quelques hésitations, j’enfilai une tunique d’un rouge profond, qui m’arrivait jusqu’à mi-cuisse, des cuissardes de cuir qui moulait mes jambes, me permettant ainsi des enjambées rapides, des grosses bottes de voyage, une ceinture noire avec une grosse boucle de couleur dorée, un bâton de marche au manche sculpté en forme d’ours et, enfin, une cape de laine marron qui me dissimulait bien et me tiendrait chaud. Je pensai un moment à prendre une tenue de rechange, mais j’estimai que, mon séjour hors de la ville devant à la base durer peu de temps, je n’en avait pas besoin. Je redescendis, puis, emportant mon sac, je quittai la maison pour me rendre à la forge.
La forge était une grande pièce circulaire, construite en bonne pierre. La cheminée occupait environ le quart des murs, immense brasier dans lequel se consumaient divers bois depuis des centaines d’années. Le centre était occupé par une lourde enclume de fer noir gravée de quelques runes. Le reste des murs étaient occupés, à droite de la cheminée, par des instruments de forge de mon père, et à gauche par les commandes achevées de ses divers clients. Le feu, jamais éteint, projetait des lueurs oranges sur les murs, déformait les ombres et rendait l’atmosphère étouffante et presque insupportable de chaleur. Je ne m’y attardai pas longtemps : je pris simplement les pièces que mon père avait gagné lors de sa journée d’hier, qu’il laissait étalées sur la table, deux pistolets de duel qu’il avait fabriqué pour un client important, à voir la qualité de la sculpture du canon, et un gros marteau de forgeron bien équilibré pour me défendre en cas de besoin. J’avais toujours aimé ce marteau, que je contemplai avec émerveillement depuis mon plus jeune âge. Un gros manche de bois solide et équilibré, sans aucune fioritures, et un bloc rectangulaire de fer noir qui formait la tête le composait. C’était du fonctionnel, uniquement du fonctionnel, pas vraiment beau à regarder, mais terriblement efficace, aussi qualifié pour travailler le métal que pour fendre des crânes. Je l’attachai dans mon dos à l’aide de lanières de cuir, passai mes pistolets à ma ceinture, mes pièces dans une bourse que je cachai dans une poche de ma tunique, et je me dirigeai vers la sortie.
Près de la porte se trouvait un grand miroir, et, en passant, je ne pus m’empêcher d’y jeter un coup d’œil. J’y vis eu nain de taille moyenne, avec de larges épaules et de jambes torses. Sa barbe était d’un noir de jais, mais courte, indicateur de sa jeunesse. Son nez brisé lui donnait l’aspect d’un combattant. Mais c’était surtout ses yeux qui attiraient le regard et dérangeaient. Des yeux d’un gris d’acier, durs et déterminés, mais avec comme une lueur de folie, de sauvagerie, qui révélait une seconde personnalité derrière l’aspect du nain assez quelconque. Une personnalité folle, sanguinaire, retenue à grand-peine par les chaînes de l’honneur et du devoir. Incapable de supporter plus longtemps ma propre image, je sortis en courant de la forge, et me mis à dévaler les escaliers sans un regard en arrière.
Je courus longtemps. Je parvins au pied du piton, et continuai à courir tout le long du sentier. Je pouvais voir, non loin devant moi, les lumières de Karak Arzul. Je pris un sentier détourné pour éviter la ville, et me mis à marcher une fois la cité derrière moi. J’avais dépassé depuis longtemps le chemin qui menait au nid du griffon, mais de toute façon, je n’avais plus l’intention d’y aller. Je voulais partir. Pour toujours.
Face à moi, remontant le chemin, je vis la vieille Hewla, une ancienne naine de plus de trois cent ans qui vivait en faisant des prédictions et des oracles. Elle me fixa d’un regard perçant.
« - Où va-tu comme ça, Thorund, mon cher ami ?
- Loin d’ici », lui répondit-je simplement. Puis je repris mon chemin.
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Borin
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MessageSujet: Re: La geste de Thorund   La geste de Thorund EmptySam 6 Sep 2008 - 20:48

Citation :
Ne serais-tu pas un réèl maître des sagas ???

Il n'y a pas que le nain qui soit conteur: tu choisis bien le moment où couper, histoire de tenir en haleine (surtout la manière de couper en fait) et le tout est bien écrit!
C'est vraiment excellent.
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MessageSujet: Re: La geste de Thorund   La geste de Thorund EmptyDim 7 Sep 2008 - 11:35

Excellent récit...

Juste quelques détails, je ne pense certainement pas qu'un nain traîte quelqu'un d'umbaraki sans véritable raison. Il utiliserait plutôt kruti, wanaz ou skruff si il veut une insulte forte.

Sinon, j'attends la suite avec impatience !


Dernière édition par Traguente Xtravène le Dim 7 Sep 2008 - 12:36, édité 1 fois
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Morgrim Barbeblanche
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MessageSujet: Re: La geste de Thorund   La geste de Thorund EmptyDim 7 Sep 2008 - 12:30

Je suis d'accord avec Traguente .
Ce récit est formidable bravo.
je voudrait juste te demander une chose:
c'est quand la suite? Rire
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MessageSujet: Re: La geste de Thorund   La geste de Thorund EmptyDim 7 Sep 2008 - 13:34

Merci pour vos commentaires ! Rire

Je commence l'écriture de la suite à l'instant ...
Ca devrait prendre un peu plus d'une semaine, plus si je ne suis pas motivé.

Pour Traguente : je voulais vraiment utiliser une insulte forte pour pousser Thorund à sauter sur Tagak, du coup, la "pire insulte du language nain" m'a semblé appropriée. Après, vu que je ne connais aucune de tes trois insultes, peut-être qu'elles sont tout à fait appropriées.
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Traguente Xtravène
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MessageSujet: Re: La geste de Thorund   La geste de Thorund EmptyDim 7 Sep 2008 - 21:11

Oui mais c'est une insulte qui s'utilise avec un contexte particulier. Si tu traîtes quelqu'un de sale traître alors qu'il n'a jamais trahi personne, ça ne veut rien dire. Donc la pire insulte sans nécessité de contexte, selon le LA V5, c'est Skruff.
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MessageSujet: Re: La geste de Thorund   La geste de Thorund EmptyMar 9 Sep 2008 - 15:09

Vraiment un trés bon récit avec une qualité d'écriture aussi bonne. J'adore. Tu écris admirablement bien. Tout est clair, bien détaillé, les scène sont bien visualisables, on peut rien demander de plus. Reste à voir ce que Thorund va devenir...

En clair : vivement la suite.
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MessageSujet: Re: La geste de Thorund   La geste de Thorund EmptyLun 15 Sep 2008 - 19:13

Comme promis, voilà la suite ! Que dire de cet épisode ... Beaucoup de parlotte, mais bon, c'est important pour le reste du récit ... Mais bon, je vous laisse découvrir par vous-même Wink

Thorund


Cette nuit-là, je ne dormis pas un instant. Je marchai, marchai, marchai, courai parfois quand le souvenir de la journée d’hier se faisait trop présent. Je me sentais dans un état second, comme si je ne contrôlai pas vraiment mes jambes qui s’éloignait petit à petit du lieu ou j’avais passé mon enfance. La voûte céleste percée d’une multitude d’étoiles scintillantes s’étendait, omniprésente, au dessus de moi, et, alors que les heures passaient, je me sentis en paix. Je n’avais plus mal, seul mon nez brisé me picotait encore. J’avais, par un moyen ou autre, descendu la grande falaise au sommet de laquelle se dressait Karak Arzul, et je me trouvai maintenant dans un bois. Les troncs fins et blancs des bouleaux m’entouraient de tous côtés. J’étais sur un petit sentier de terre battue, encadré par d’épais ronciers d’où sortaient des doigts de brume qui s’effilochaient, donnant un aspect fantomatique à la forêt. Le silence omniprésent formait comme un voile, une gangue qui engourdissait les sens. Je sursautait lorsqu’un hibou plongea d’un arbre en hululant, sans doute dans l’espoir d’attraper un rongeur.
Arrivé à l’orée du bois, je jetai un regard derrière moi. D’ici, Karak Arzul était invisible, à peine un scintillement dans le lointain, pas plus voyant qu’une étoile perdue dans les cieux. Je me demandai quels tourments pouvaient agiter la petite cité, quelles répercussions allait avoir mes actions. Est-ce que mes parents allaient avoir des ennuis ? Est-ce qu’on lancerait des guerriers à ma recherche ? Je ne le savais pas, et à vrai dire, je m’en fichai. Tout ça, c’étais du passé. J’espérai ne jamais revoir cette ville.
Et maintenant, que faire ? Un retour en arrière était impossible. M’engagerai-je sur les terres des hommes ? Les contournerais-je pour me rendre dans une grande cité naine, comme Karaz-a-Karak ou Barak Varr ? Demain, j’aurai les idées plus claires, me dis-je. Comme les lueurs de l’aurore apparaissaient dans le lointain, je décidai de dormir un peu. Rentrant à nouveau dans le bois pour pouvoir m’y abriter, je découvrit une petite clairière dans laquelle je m’installai. Je pris mon sac comme oreiller, plantai mon bâton et mon marteau de part et d’autres de mon couchage, puis, m’enroulant dans ma cape, je m’endormit comme une masse, épuisé.

En me réveillant, je pris conscience de deux chose simultanément. La première, c’était que le ciel était à nouveau noir. J’avais dormi une journée entière !
La deuxième, c’était qu’un grand feu brûlait au milieu de la clairière. Et que ce n’était pas moi qui l’avait allumé.
Sans un bruit, je fouillai les objets à ma ceinture. Me maudissant de ne pas avoir pris de couteau, je saisi un pistolet dans ma main droite, m’assurant de l’autre qu’il était bien chargé. Puis, glissant un regard en coin vers le feu, j’essayai de repérer mon mystérieux hôte. Une créature était assise en tailleur devant les flammes. Sa petite taille m’indiquait qu’il s’agissait d’un nain. Quand à son physique, impossible de le deviner : le feu derrière lui éblouissait et faisait de lui une simple tache sombre qui se découpait sur la lueur orangée. Mes poursuivants avaient-ils déjà retrouvés ma trace ? Je me redressait lentement, mon poing fermement serré sur la détente du pistolet, puis, d’une voix que j’essayai de rendre forte et assurée, l’interpellai :
« - Lève-toi ! Doucement … Qui es tu ? Que fait tu là ? » Le nain se retourna et s’écarta du feu de camp. Je pus ainsi le détailler. Il portait une robe d’un bleu profond, décoré d’une double bordure dorée gravée de runes. Deux courtes haches étaient passées à sa ceinture. Il avait un long bâton de marche, décoré lui aussi de runes diverses. Ses cheveux blonds laissaient apparaître des mèches blanches. Il avait un nez aquilin surmonté par deux yeux luisants d’intelligence et de sagesse, et une bouche aux lèvres gercées. Je le reconnut immédiatement. C’était Erdrik, le conteur que j’avais rencontré dans la taverne du Loup Rouge, deux jours plus tôt.
« - C’est une manière d’accueillir son hôte, ça ? » me demanda-t-il d’une voix douce ou perçait l’ironie. Je me détendis un peu, avant de me reprendre quelques secondes plus tard. A part le fait qu’il était un bon conteur, je ne savais strictement rien de lui.
« - Qu’est-ce que tu fais là ? » lui demandai-je d’une voix menaçante. « On t’a payé pour me retrouver ?
- Si je te voulais du mal, tu te serai réveillé solidement ligoté et tu n’aurais certainement pas trouvé tes armes à ta ceinture, crois-moi ! Non, rien de tout ça. J’ai quitté ta ville ce matin, et en passant par ce bois, j’ai vu un dormeur, alors je suis venu pour avoir un peu de compagnie. Pas que je n’apprécie pas Bruck, » fit-il en désignant un poney marron attaché à un arbre non loin, « mais c’est qu’il n’a pas beaucoup de conversation. »
Rassuré, je m’approchai du feu, tendant les mains pour réchauffer mes membres encore engourdi par le sommeil. Quelques minutes passèrent, puis Erdrik reprit la parole.
« - Avant mon départ, j’ai ouï dire d’un petit incident. Tu sais que ton petit exploit a provoqué des remous dans la ville ? Enfin, je ne te juge pas. Mettre au sol un noble a du bon, quand même. Il ne considérera plus les petites gens comme des pouilleux bons à rien. Mais mon garçon, là ou je ne te suis plus : pourquoi l’avoir traité d’Umbaraki ? »
La colère monta en moi. Alors Tagak avait déformé un peu l’événement … J’imaginai très bien comment il avait pu se poser en victime innocente agressée et insultée par un rustre barbare.
« - Rien ne s’est passé comme il l’a raconté. Il m’avait traité de briseur de serment.
- Je m’en doutais. Ce noble m’avait fait un mauvais effet, le genre retors qui fait honte à notre race. Et bien tu sais que …
- Je ne veux rien savoir. C’est du passé, point.
- A ta guise. Laisse-moi te dire au moins que demain partiront dix rangers chargés de te ramener à la forteresse pour que tu sois jugé.
- Demain, je serai loin. » répliquai-je d’une voix dure, mettant un point final à la conversation.
Erdrik soupira. « - Peut-être que Bruck est plus intéressant, finalement. » Il se leva, marcha jusqu’à son poney puis, sortant de ses fontes une grande brosse, se mit à lui frotter le dos. Au fond de moi, j’étais désolé d’avoir ainsi éconduit mon compagnon, mais mon honneur m’interdisait de le reconnaître, aussi je revins vers mon couchage en poussant un chapelet de jurons pour évacuer ma hargne. Je tirai de mon sac une outre de bière, un morceau de viande séchée et une miche de pain avant d’aller m’installer près du feu. Ma demi-heure suivante se passa en mâchonnements pensifs alors que je réfléchissais à mon avenir plus qu’incertain. Erdrik était resté près de son poney, ayant sans doute compris que je désirais être seul avec moi-même.


Il finit par revenir, s’accroupissant près du feu à mes côtés. Il devait être aux alentours de minuit. La lune, pleine, brillait dans le ciel et ondoyait dans les flaques de la clairière. Le silence était presque total, seulement troublé par les crépitements du feu et les frottements furtifs des créatures de la nuit qui nous observaient depuis l’obscurité des frondaisons sans oser s’approcher par peur de notre flambée. Comme à son habitude à chaque fois que je finissais une gourde pleine de bière, mon esprit peinait à se concentrer. Je crois que ce fus le premier moment ou je me sentis vraiment reposé depuis ma fuite de Karak Arzul. Nous étions tout deux dans un état presque second, somnolents, près à s’assoupir. Enfin, le conteur se redressa et engagea à nouveau la conversation.
« - Et maintenant ? Tu as des projets pour l’avenir, garçon ? ». Je réfléchis un peu avant de secouer la tête. Il m’avait été impossible de trouver une solution convenable.
« - Laisse-moi te faire une proposition. Actuellement, je suis en route vers une petite ville de montagne, Hurda. Je dois y rejoindre une armée naine commandée par … par … Ogdak l’Escorteur. Un général nain de Barak Varr plutôt réputé, je crois. On m’a payé pour que j’aille exercer mes talents et égayer un peu cette troupe, contre rémunération. Et oui, même un conteur dois gagner sa vie … Ils se rendent à Nuln dans l’Empire des hommes, ce qui serait une bonne occasion de voir du pays. Ca fais longtemps que je me cherche un garde du corps. Tu accepte l’offre ?
- Ce n’est pas plus mal qu’autre chose. Mais pourquoi moi ? Un poil-au-menton alcoolique recherché par sa cité n’est pas le choix le plus luxueux possible.
- Je ne sais pas, » répondit-il d’un air hésitant. « Tu me plais bien. Tu as du cran. Je suis sûr de pouvoir faire quelque chose de toi. Alors, ta réponse ?
- Q’est ce qu’une armée naine va faire à Nuln ? » questionnai-je encore, toujours méfiant. Jamais, au cours de ma vie, on ne m’avait fait une telle offre sans aucune contrepartie.
- Superviser le transfert de cent canons impériaux jusqu’à Barrak Varr. C’est un nouveau modèle de canon, et les ingénieurs humains ont payé des fortunes pour les faire examiner par les nains pour savoir si ils sont passable sur un champ de bataille. C’est une sacrée mission. »
A ce moment-là, je n’hésitai plus. Erdrik serait un compagnon intéressant, je pourrai écouter des sagas tous les soirs, et au moins, cela me donnait un but. Mais je voulais tester un peu ses capacités.
« - J’hésite encore, » mentis-je. « Dis-moi quelque chose qui pourrai me convaincre.
- Si tu veux. Te convaincre sera facile. Mais ce sera long. Ca pourrai même durer une bonne partie de la nuit.
Pour te convaincre, je vais te conter l’histoire de … Snorri Barbeblanche, notre premier roi. » dit-il avec le ton profond et mystérieux qu’il utilisait pour les sagas. Je souris et ouvris grand les oreilles. Je sentais que j’allai me plaire avec un tel compagnon …
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MessageSujet: Re: La geste de Thorund   La geste de Thorund EmptyLun 15 Sep 2008 - 19:30

Bon, je peux toujours la tenter...

Ma forteresse, Wanaz Hirn, accueille ceux qui sont exilés injustement...

Sinon, ton récit est génial, je me demande vraiment comment tu fais !

J'attends toujours la suite avec impatience.
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Morgrim Barbeblanche
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MessageSujet: Re: La geste de Thorund   La geste de Thorund EmptyLun 15 Sep 2008 - 19:44

affraid Comment tu fais je ne comprend pas c'est magnifique ❤
Comment ça se fait que tu n'ai pas encore publié de roman? : boulet : Tu serais déjà riche à millions
Bon je crois que j'exagère j'aurais pas du le prendre ce 5è tonneau de tord-boyeaux je me sens pas très bien. :silent:pale
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Grumdor Le Gris
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MessageSujet: Re: La geste de Thorund   La geste de Thorund EmptyMar 16 Sep 2008 - 16:15

C'est génial ! Au sens propre. Tes descriptions sont si efficaces que je me vois sur le sentier, dans la forêt, sous le ciel nocturne, prés du feu avec le héros... C'est trés trés agréable à lire. Et ton vocabulaire trés plaisant et trés riche. J'aime beaucoup.
En bref : de la grande qualité. Continue comme ça !

PS : merci.
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